Du côté des internautes
C’est une situation paradoxale : malgré une méfiance grandissante envers les avis clients (voir le baromètre annuel de la société Testntrust), les internautes continuent de faire leur choix en grande partie grâce à ces avis (selon le baromètre de la FEVAD Médiametrie-NetRatings, 64 % des internautes consultent des sites marchands comportant des avis ou des notes de consommateurs avant de faire leurs achats). Ont-ils appris à repérer au fil du temps les avis crédibles, ont-ils mis en place des techniques pour détecter les faux avis ? Cela semble tout à fait possible. En effet, en faisant un petit travail de recherche par le biais du pseudonyme de l’auteur, les avis qu’il ou elle a déjà publiés, en épluchant l’ensemble des avis sur un produit ou un service donné, on peut se faire un avis certainement relativement juste de la valeur du produit ou du service en question.
Ce travail fait par les internautes seuls devant leur PC, beaucoup d’entreprises l’ont mis en place via des logiciels développés en interne analysant les avis selon des centaines de critères, tels que l'adresse IP de l'internaute, son navigateur, la taille de son écran… mais il semblerait que ce système ne soit plus assez puissant face à des « tricheurs » de plus en plus professionnels, qui connaissent les critères d’analyse et arrivent à passer dans les mailles du filet.
Le travail conduit par Andreas Munzel, un jeune chercheur allemand installé à Toulouse (Institut d'administration des entreprises et Centre de recherche en management), en collaboration avec une doctorante de Strasbourg et un collègue de Karlsruhe, en Allemagne, tend à combiner, de façon automatique, les deux analyses : l'approche textuelle des algorithmes (nature des mots, longueur, origine des avis…) et l'approche contextuelle telle que décrite plus haut : une démarche personnelle des internautes.
D’autre part, certains sites permettent déjà aux internautes de dénoncer des évaluations suspectes, mais le traitement de ces signalements est pour l'instant manuel.
Du côté des sites Internet
Les chiffres annoncés par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) confirment les soupçons des internautes.
En effet, le taux d’anomalies constaté par la DGCCRF atteint en moyenne 28,8 % entre 2010 et 2013 avec une augmentation en 2013 où il a atteint 45 %, tous secteurs confondus.
Pour agir contre ces fraudes d’avis clients, 43 organisations (entreprises, acteurs du e-commerce, associations de consommateurs, fédérations professionnelles, autorités et administrations) se sont mises autour de la table et ont donné naissance à la norme AFNOR NF Z74-501 en juillet 2013.
Cette norme a pour but de « fiabiliser le traitement des avis de consommateurs sur Internet».
Le communiqué sur le site en précise quelques aspects :
- Collecte (interdiction d’acheter des avis, identification de l’auteur de l’avis, preuve optionnelle justifiant l’expérience de consommation...)
--> on ne peut pas soudoyer un blogueur reconnu pour qu’il mentionne le nom de notre site en contrepartie d’une somme d’argent
- Modération (maîtrise de la langue, non-modification d'un avis en ligne, droit de retrait, règles de modération inscrites dans les CGU...)
--> on ne peut pas modifier, retirer un avis publié sur son site
- Restitution (affichage antéchronologique des avis, affichage de l’ensemble des commentaires, dans leur intégralité, droit de réponse gratuit et publié sous 7 jours...)
--> on ne peut pas tricher avec les dates en publiant d’abord les avis positifs puis dans un deuxième temps les avis négatifs, qui feraient qu’ainsi l’internaute ne voit que les avis positifs en premières pages
Bon à savoir, tout gestionnaire de site traitant des avis de consommateurs a la possibilité de s'auto-déclarer dans le respect des exigences de cette norme, engageant de facto la responsabilité du site. A cet égard, l'AFNOR précise encore qu' « En cas d’utilisation abusive de la norme AFNOR, le code de la consommation sanctionne ce type de pratique commerciale trompeuse de 37 500 euros maximum pour la personne physique et 187 500 euros pour la personne morale, avec possibilité pour le tribunal d'ordonner la cessation des pratiques et la publication du jugement ... ».
Malheureusement, il semblerait que cette norme n’ait pour l’instant pas rencontré un franc succès, vu le peu de demandes à être certifiés NF Service.
Quelles conséquences à terme ?
Comme évoqué plus haut, les internautes ne sont pas dupes des stratégies frauduleuses de certains sites Internet. Le risque est qu’à terme ces consommateurs de plus en plus avisés se tournent vers d’autres sources d’informations qu’ils jugeront plus crédibles, telles que journaux spécialisés, amis, collègues...
Ce serait dommage que les avis clients ne soient plus considérés tant ils peuvent être utiles pour le consommateur comme pour le vendeur. Si les avis positifs sont toujours flatteurs et peuvent rapporter gros, les avis négatifs sont une source de remise en question et doivent être traités comme tels. Un vendeur peut établir un dialogue avec un acheteur mécontent, chercher des pistes d’amélioration. Marquer son intérêt pour sa clientèle permet de la valoriser, ne pas être indifférent aux remarques de ses clients c’est aussi leur apporter de la considération, dégager une bonne image à leurs yeux (les échanges acheteur-vendeur sont lus par les internautes, un client qui prend le temps de répondre à une critique est perçu positivement contrairement à ce que l’on pourrait penser !). Ne plus avoir accès aux avis clients c’est aussi perdre une certaine visibilité sur son offre, ses avantages concurrentiels, et sur toutes les informations qui pourraient permettre une remise en question et tendre vers l'excellence !